Votre portefeuille est-il conçu pour affronter la nouvelle ère géopolitique ?

Par Peter Garnry, Head of Saxo Strats

- La guerre en Ukraine et les tensions croissantes entre les États-Unis, l’Europe et la Chine créent un nouveau paysage économique marqué par une grande incertitude et l’inflation.
- Les investisseurs devraient envisager de diversifier leur portefeuille en y intégrant des valeurs liées à l’IA, à la défense, à la cybersécurité et aux énergies renouvelables, ainsi que de l’or, des matières premières et des obligations couvertes contre l’inflation.
- Les portefeuilles traditionnels 60 actions/40 obligations pourraient ne pas être adaptés au climat économique actuel.

L’évolution du paysage géopolitique et ses implications pour les marchés

La différence entre le risque et l’incertitude peut sembler subtile, mais elle ne l’est pas. Le risque est lié à des éléments que nous pouvons quantifier sur la base d’un échantillon de données de taille raisonnable, tandis que l’incertitude concerne des éléments inquantifiables. Les événements géopolitiques sont intrinsèquement liés à l’incertitude et comportent un large éventail d’effets inconnus.

L’image qui émerge de tous les événements survenus depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie est celle d’une économie de guerre, en particulier pour l’Europe, avec pour résultat naturel une expansion fiscale et une inflation probablement persistante. Les politiques commerciales s’inscrivent dans un paysage géopolitique en mutation et les frictions croissantes entre l’Europe, les États-Unis et la Chine sont également une source d’incertitude et d’inflation. L’économie chinoise étant fortement axée sur les exportations, la Chine poursuit des politiques incompatibles avec la sécurité nationale de l’Europe et des États-Unis. Les droits de douane et la politique industrielle gagneront probablement en importance au fil du temps.

La nature exportatrice de l’économie chinoise la rend aussi sensible aux niveaux de change par rapport à ses concurrents et, à cet égard, le yen constitue manifestement un risque majeur comme l’explique Charu Chanana, notre responsable de la stratégie de change, dans sa note intitulée Chinese Yuan’s Double Whammy – Dollar Strength and Yen Weakness. Nous approchons peut-être d’une grande remise à zéro sur les marchés des devises. Les responsables politiques sud-coréens ont clairement indiqué que les mouvements de change unilatéraux excessifs ne seraient pas tolérés.

De quoi l’investisseur doit-il tenir compte pour faire face à l’avenir ?

L’allocation des actifs était facile dans le passé, avec 40 ans de baisse des rendements obligataires, un paysage géopolitique plutôt stable, une démographie positive, l’absence de catastrophes climatiques et une faible inflation. À l’avenir, l’investisseur intelligent tiendra compte de l’évolution du monde. Ne pourrait-il pas se contenter d’investir à 100 % dans les actions et de miser sur une répétition de l’histoire ? Compte tenu de l’émergence de nombreuses ruptures structurelles dans notre économie mondiale à travers les facteurs décrits ci-dessus, il serait trop naïf de se contenter de faire ce qui a fonctionné depuis le début des années 1980.

Voici quelques-uns des éléments que les investisseurs devraient prendre en compte dans leur portefeuille pour le renforcer en vue d’un large éventail de résultats à l’ère de l’économie de guerre et des tendances démographiques fortement négatives. En substance, les suggestions ci-dessous s’écartent du portefeuille traditionnel 60/40 (60 % d’actions et 40 % d’obligations à long terme). Nous n’attribuons pas de pondération à chaque catégorie, car chaque investisseur est différent.

Thèmes boursiers : les semi-conducteurs/l’IA, car cette technologie sera un facteur déterminant du pouvoir à l’avenir ; la défense, car l’Europe souffre d’un important déficit des de capacités militaires et de nouvelles technologies sont nécessaires pour faire face aux essaims de drones (lire à ce propos notre note sur les actions) ; la cybersécurité, car il s’agit du nouveau système d’exploitation clé pour tout gouvernement et toute entreprise ; les énergies renouvelables, car du point de vue de la sécurité nationale, l’absence de source d’alimentation réduit les risques et les actifs énergétiques peuvent être répartis de manière décentralisée, ce qui réduit les risques par nature.

Secteurs boursiers : dans nos perspectives trimestrielles, nous indiquons que du point de vue stratégique (pour le long terme), les quatre secteurs les plus attrayants à l’heure actuelle sont la santé, la technologie, les services financiers et l’énergie. Compte tenu des informations dont nous disposons aujourd’hui, ces secteurs affichent la meilleure probabilité d’offrir des rendements réels élevés au cours des dix prochaines années.

L’or : l’or est traditionnellement un bon élément de répartition des risques en temps de guerre et d’inflation, comme la récente période géopolitique l’a prouvé une fois de plus. Les matières premières : tous les chocs inflationnistes les plus graves de l’histoire se sont accompagnés d’une appréciation rapide des matières premières. Une allocation aux matières premières est donc judicieuse pour l’économie de guerre et comme couverture contre les chocs inflationnistes. La transformation verte pourrait aussi entraîner des tendances durables dans des matières premières clés telles que le cuivre.

Obligations à court terme et obligations protégées contre l’inflation : l’inflation étant plus élevée que prévu, les obligations protégées contre l’inflation méritent d’être envisagées, car leur capital est augmenté en fonction de l’IPC officiel. Les obligations à court terme créent l’optionalité et fonctionnent en fait comme des liquidités, car les obligations à court terme affichent une faible duration et sont donc moins risquées face à l’incertitude d’une inflation élevée.