Selon Christian Schmitt, Senior Portfolio Manager chez Ethenea, les actions européennes présentent un potentiel de surperformance cette année. Malheureusement, le contexte actuel ne suffit pas pour envisager une renaissance durable de ces dernières.
Christian Schmitt |
En février 2022, avec le début de la guerre russe contre l'Ukraine, la liste des défis auxquels le vieux continent est actuellement confronté s'est une nouvelle fois allongée de manière spectaculaire. Pour de nombreux observateurs du marché, il est d'autant plus étonnant que le marché boursier européen ait surpassé le marché boursier américain non seulement au cours de l'année 2023, mais aussi au cours de l'année civile 2022. Les investisseurs prudents à l'égard de l'Europe auraient-ils perdu quelque chose de vue ?
"En principe, la performance des actions, aussi bien au niveau des titres individuels que des indices, dépend de l’évolution fondamentale des entreprises sous-jacentes et de la valorisation qui leur est attribuée", explique Christian Schmitt. "Plus la période d'observation est longue, plus l'évolution des ventes, des bénéfices, des flux de trésorerie et autres paramètres fondamentaux dominent. En d’autres termes : les écarts de valorisation peuvent être un bon point de départ (tactique) pour une surperformance relative. Mais pour une surperformance (stratégique) à plus long terme, la croissance fondamentale doit également être rendez-vous."
Un bon croquis vaut mieux qu’un long discours. Dans un premier temps, examinons donc la situation initiale et l’évolution relative des facteurs d’influence mentionnés au cours de ces dernières années.
Source: Bloomberg Finance L.P., own calculations ETHENEA, 13.04.2023
La partie supérieure du graphique compare l’évolution des cours des valeurs européennes et américaines (en jaune). On y voit également l’évolution relative des prévisions bénéficiaires des entreprises pour les 12 prochains mois (en bleu). Les deux périodes sont indexées à 100 au 1er janvier 2010. Par exemple, une baisse de 100 à 90 signifie que l’Europe a sous-performé les États-Unis de 10 %. La partie inférieure du graphique présente la décote de l’Europe par rapport aux États-Unis sur la base des ratios cours/bénéfice.
Alors que le cours des actions européennes vaut 12,7 fois les bénéfices attendus à 12 mois, il faut payer 18,2 fois les bénéfices attendus pour les valeurs américaines. Christian Schmitt : “Il en résulte une décote de 29 % pour l’Europe (en gris). En revanche, la médiane des 13 dernières années s’est établie à 16 % (ligne bleu turquoise en pointillés). »
e graphique révèle deux choses. Tout d’abord, la nette surperformance des valeurs américaines sur le long terme s’est largement appuyée sur une croissance fondamentale correspondante. Ensuite, la décote des actions européennes semble s’expliquer en partie par, entre autres, des différences au niveau des structures sectorielles, une rentabilité moindre, une réglementation et une fragmentation plus fortes des marchés nationaux, une autosuffisance énergétique plus faible ainsi que par un capitalisme globalement plus social. Mais l’on constate également que la décote de l’Europe a atteint de nouveaux extrêmes lorsque (mais pas seulement) la guerre en Ukraine a éclaté l’an dernier.
Dans le même temps, la croissance fondamentale par rapport aux États-Unis a été étonnamment forte. Par ailleurs, de nombreux portefeuilles internationaux tendent à sous-pondérer l’Europe. Schmitt : « Cette configuration explique la forte performance des indices boursiers européens de ces derniers mois, d’autant plus que la crise énergétique a été beaucoup moins aiguë que prévu grâce aux températures clémentes de cet hiver. »
« Les actions européennes présentent encore un potentiel de surperformance à l’avenir car leur décote reste supérieure à la moyenne, » déclare Christian Schmitt. « Un retour à la médiane susmentionnée correspondrait à lui seul à une surperformance d’environ 18 %.
Le contexte pour une poursuite du momentum fondamental (relatif) n’est pas aussi brillant. En effet, l’année dernière avait été marquée par des conditions spéciales, qui ont aujourd’hui en grande partie disparu. Ainsi, les indices américains, qui accordent la part belle aux valeurs technologiques, ont profité d’une conjoncture exceptionnelle durant la pandémie en 2020/2021, avant d’être rattrapés par les effets de base tout aussi impressionnants en 2022. Les investissements et acquisitions effectués ont en fait été des ventes anticipées et non supplémentaires. En outre, le dollar fort a pénalisé les multinationales américaines, tandis que les exportateurs européens ont bénéficié de la faiblesse de l’euro. « La dissipation de ces tendances a déjà neutralisé les prévisions bénéficiaires des cinq derniers mois. » selon Christian Schmitt. « Une poursuite du momentum fondamental positif en 2023 semble donc peu probable. En revanche, une évolution contraire défavorable à l’Europe n’est pas non plus en vue. »
En fin de compte, il ne reste donc que l’argument de la valorisation, lequel ne peut soutenir à lui seul la force relative de l’Europe. Schmitt conclut : « Malheureusement, la situation actuelle ne suffit pas pour envisager une renaissance durable des actions européennes. »