Katherine Davidson |
Les médias spéculent de plus en plus ces derniers temps en affirmant que les prêts auto pourraient bien être le déclencheur de la prochaine crise financière. Les États-Unis sont le principal marché automobile de la planète. Or, les chiffres des prêts auto se sont nettement détériorés sur ce marché au cours des quelques trimestres écoulés. Les choses n’iront pourtant sans doute pas jusque-là, d’après Katherine Davidson, spécialiste Global Sector chez Schroders .
Durant le T4 de 2016, les nouveaux arriérés de paiement se chiffraient à 23 milliards de dollars américains, tandis que les nouveaux défauts de paiement atteignaient 8 milliards de dollars américains. Pareils niveaux en valeur absolue n’ont plus été vus depuis la crise financière. Si cette évolution a tellement focalisé l’attention, c’est parce que les indicateurs économiques montrent que le consommateur américain se porte bien. La confiance des consommateurs américains est en hausse, le chômage continue de reculer et les tendances dans les autres branches du crédit sont très favorables. Comment expliquer alors la détérioration des crédits auto et quelle est l’ampleur du problème pour l’industrie automobile et pour le système financier en général?
Les prêts auto sont classés en fonction de la solvabilité de l’emprunteur: Prime contre subprime. Dès que l’on voit le mot subprime, tous les signaux d’alerte passent au rouge parce que ce mot rappelle le souvenir de la crise financière dans laquelle les emprunts hypothécaires de type subprime ont joué un rôle majeur. Katherine Davidson pense que les conséquence de la détérioration des prêts auto de type subprime sont nettement moins graves. Les prêts auto de type subprime ne représentent qu’un faible pourcentage des prêts, pour un montant de l’ordre de 270 milliards de dollars. Cela ne représente que 25% du total des financements de l’achat de voitures et à peine 2% de l’ensemble des crédits à la consommation.
Les prêteurs ne prennent donc pas tous le même risque. D’après les données dont on dispose, la croissance récente de ce segment de l’activité de prêt n’est à mettre à l’actif ni des banques systémiques, ni des entreprises de leasing, ni des sociétés de financement auto existantes. Cette hausse est avant tout imputable à des nouveaux venus sur le marché. Il s’agit en l’occurrence d’opérateurs de capital-investissement qui sont très présents sur le marché des prêts auto de type subprime ou qui occupent une position dominante sur le marché des prêts auto de type deep-subprime, ces derniers étant destinés aux consommateurs insolvables ou à solvabilité très faible. Les organismes de crédit traditionnels se retirent quant à eux de ce segment du marché. Même si les chiffres révélant une détérioration des crédits ont donc de quoi alarmer de prime abord, Katherine Davidson estime qu’il n’y a pas lieu de paniquer. Les risques semblent minimes pour l’industrie automobile et pour le système financier au sens large.
Katherine Davidson se dit davantage préoccupée par la rentabilité de l’industrie automobile. Les prix des voitures usagées sont sous pression, notamment à cause de l’offre grandissante de voitures de seconde main vendues par des propriétaires qui passent à un modèle plus performant ou plus récent, mais aussi de voitures de leasing en fin de contrat. Tout cela affecte indirectement la rentabilité des constructeurs automobiles ainsi que la demande de véhicules neufs, surtout lorsque les conditions d’octroi des crédits sont rendues plus strictes. De plus, les constructeurs sont confrontés à l’inflation en hausse qui se traduit par un renchérissement des matières premières, une progression des salaires et une hausse des frais visant à réduire les émissions de CO2 et à améliorer la sécurité. Katherine Davidson ne s’attend pas à une diminution des ventes de voitures neuves. Mais à volumes de ventes constants, les bénéfices des constructeurs automobiles seront mis sous pression.
Les cours des actions du secteur automobile affichent déjà des valorisations plus faibles. Le marché semble reconnaître que le niveau élevé des marges bénéficiaires est intenable. Il y a cependant des opportunités à débusquer, notamment là où les prévisions liées à certaines actions spécifiques du secteur ont été évaluées de manière trop pessimiste par rapport aux prévisions économiques en général favorables. La prudence s’impose toutefois pour les investisseurs dans ce secteur.